Née en 1969, Isabelle Hayeur a grandi dans une petite ville de la région métropolitaine de Montréal, au Québec. Ce territoire périurbain est alors en développement et il se transforme rapidement. Elle en éprouve une impression de perte de repères qui accompagne souvent la vie en banlieue. Cette expérience sera déterminante pour sa pratique artistique; c’est ainsi qu’elle s’intéressera particulièrement aux sentiments d’aliénation, de déracinement et de désenchantement. Plus tard, elle recevra un diagnostic d’autisme Asperger qui lui permettra aussi de mieux comprendre son attirance pour les non-lieux, les No man’s land et la marginalité.
Artiste de l’image, Isabelle est connue pour ses photographies et ses vidéos expérimentales. Elle a également réalisé plusieurs commandes publiques, des installations in situ et des livres photographiques. Sa démarche s’inscrit dans la perspective d’une critique écologique, urbanistique et sociale. Depuis la fin des années 1990, elle sonde les territoires qu’elle parcourt pour appréhender comment nos civilisations contemporaines investissent et façonnent leurs environnements. Elle est préoccupée par l’évolution des lieux et des communautés dans le contexte sociopolitique néolibéral que nous connaissons actuellement. Son approche artistique examine les relations entre nature et culture dans un monde où leur (fausse) opposition constitue une idéologie dominante qui structure encore nos sociétés occidentales. Lorsque le principe d’utilité prime sur toutes les autres valeurs et que l’économie devient souveraine, tout est envisagé comme « ressource » à dépouiller ou site à occuper. Ses œuvres visent à dévoiler comment nous prenons possession des territoires et des êtres pour les adapter à nos besoins; cette logique instrumentale tend à envahir tous les champs de l’activité humaine aujourd’hui.
La création constitue pour elle un outil de prise de conscience, mais aussi d’émerveillement. Elle considère qu’il est important de se prononcer, de montrer, d’éduquer et de dénoncer – et tout à la fois d’être enchantés, touchés et emportés par la beauté de ce qui nous entoure. Sa pratique s’avère à la fois politique et poétique, elle dénote un constant souci de brouiller les pistes afin de mettre en relief l’ambivalence de notre rapport au monde. Tout aussi séduisantes qu’inquiétantes, ses images éveillent en nous un sentiment ambigu qui reflète notre inconfort et révèle les failles d’un système déshumanisé. Au fil des ans, l’artiste s’est intéressée de plus en plus à la résistance citoyenne et à la dissidence. Elle nous invite à réfléchir au contrôle dans nos sociétés, à son durcissement, et à la façon dont les pouvoirs publics nous imposent des mesures qui entravent nos libertés.
Les œuvres d’Isabelle Hayeur ont été largement présentées dans des expositions, notamment au Musée des beaux-arts du Canada, Massachusetts Museum of Contemporary Arts, Neuer Berliner Kunstverein de Berlin, Istanbul Modern, Tampa Museum of Art, Centre culturel canadien à Paris, Casino Luxembourg Forum d’art contemporain, Today Art Museum à Beijing, Hiroshima City Museum of Contemporary Art, à la Bruce Silverstein Gallery de New York et aux Rencontres internationales de la photographie à Arles. Elle a été accueillie dans plusieurs résidences d’artistes, dont la Rauschenberg Residency, Sitka Center for Arts and Ecology, The Studios of Key West, International Studio & Curatorial Program ISCP, A Studio in the Woods / Tulane University, Bemis Center for Contemporary Arts et le Wall House #2 Groninger Museum. Elle est récipiendaire du Prix du CALQ – Artiste de l’année dans Lanaudière (2022), du Prix de la Fondation Hnatyshyn pour les arts visuels (2021), du Prix du duc et de la duchesse d’York en photographie (2019) et elle a été finaliste au Scotiabank Photography Award (2015).