La démarche d’André Fournelle, artiste multidisciplinaire, s’articule autour de différents axes dont la lumière, les quatre éléments, les matériaux, la technologie, le land art et les formes suprématistes.
Son travail remonte au début des années 60 et se poursuit, de façon toujours aussi intransigeante, jusqu’à aujourd’hui.
Son orientation en est une qui se situe dans la lignée du conceptualisme et du minimalisme.
LES ANNÉES 60 ET 70
Dans les années 60 et 70, il s’intéresse aux technologies, ce qui l’amène à travailler à l’université McGill en recherche sur le laser et parallèlement à l’université d’Ottawa au département d’ingénierie en électricité. Son intérêt le conduit également à s’associer au groupe EAT (Experiment in Art and Technology) sous la direction de Rauschenberg. Les réalisations de l’époque sont des structures lumineuses dans l’espace à l’aide de prismes.
À la même période, il met sur pied La Fonderie expérimentale et collective en collaboration avec Marc Boisvert, à Pierrefonds, Québec. Son attrait marqué pour le métal en fusion et sa fascination pour la matière et le feu s’inscrivent à jamais dans sa démarche, à compter de ce moment-là.
En 1968, il installe une fonderie temporaire alimentée au charbon sur le site de l’Exposition universelle de Montréal.
À la fin de l’Exposition universelle de Montréal, la ville offre à André Fournelle et à Jean Sauvageau, musicien, le pavillon de Monaco afin de le transformer en un lieu dédié à la musique actuelle. Ensemble, ils vont créer Le Pavillon du synthétiseur, un endroit où les gens sont invités à déambuler dans une ambiance sonore, interactive. L’expérience durera pendant quelques années.
Au printemps de la même année, en 1968, boursier du Conseil des arts du Canada, il part en voyage d’étude et de recherche sur les techniques du verre avec Marcelle Ferron. Ils vont à Paris, Prague, Bruxelles et Murano.
Ils se rendent également à Venise pour la Biennale et font des rencontres marquantes avec Guido Molinari et Ulysse Comtois, les deux artistes représentant le Canada. Ils rencontrent également Piotr Kowalski, mathématicien et sculpteur ainsi que Takis, sculpteur, ces deux artistes représentant la France.
À leur retour, ils organisent un laboratoire de recherche sur le verre et le métal à la compagnie Superseal de Saint-Hyacinthe.
De 1968 à 1974, il enseigne la sculpture à l’Université d’Ottawa et de 1975 à 1987 au Centre Saydie Bronfman, à Montréal, Québec.
En 1970, il participe à une première exposition de groupe à Paris, au Musée Rodin, Panorama de la sculpture au Québec. Il en profite pour faire un voyage de recherche sur les fonderies d’art en Angleterre et en France.
En 1972, il écrit un livre blanc qui constitue une synthèse de ses travaux en fonderie et qui s’intitule, La fonderie expérimentale.
Au cours de ces mêmes années, il fait la rencontre du poète Claude Gauvreau, une rencontre déterminante pour lui. À sa demande, celui-ci lui écrira des textes que Fournelle intégrera à des sculptures. On peut voir ces œuvres à la Médiathèque littéraire Gaëtan Dostie.
À la fin de cette décennie, soit en 1979, il part vivre une année en Angleterre. C’est là qu’il fait la découverte, dans certains parcs de Londres, de clôtures accidentées qui exercent sur lui une véritable fascination. Il en fait de très nombreux dessins lesquels le conduisent, à son retour à Montréal, à réaliser une série de performances et d’œuvres appelée États de choc (1982–1984) dont entre autres, Vertige-Running Away (1983).
LES ANNÉES 80 ET 90
Le début de la décennie des années 80 est marqué par une invitation qu’il reçoit de la Fonderie d’art Belfiore à Pietrasanta, en Italie, pour faire part de sa recherche en fonderies d’art et donner des ateliers sur le sujet.
En 1984, il participe avec d’autres peintres du Québec, à l’exposition Jeune peinture, 35e salon,
au Grand Palais à Paris, France.
Sensible à l’état de détérioration des frises du Parthénon, il entreprend, de 1981 à 1983, une série d’études qui aboutira à la création d’une œuvre imposante appelée Passage et exposée au Musée d’art contemporain de Montréal, sous le commissariat de Claude Gosselin.
En 1986 et 1987, il effectue un retour à Londres, et développe un intérêt particulier pour le rapatriement en Grèce des frises du Parthénon. Cette attention s’inscrit dans la foulée d’un mouvement international de récupération d’œuvres d’art.
Dès son retour à Montréal, il poursuit cette idée et réalise en collaboration avec Ducharme Marion L’inconfortable utopie, oeuvre inspirée des « Mémoires d’Hadrien» de Marguerite Yourcenar.
Ce projet, devenu au fil des ans un véritable travail d’équipe, voit la conception d’une d’œuvre d’art publique devant se déployer sur trois lieux, Mount Desert Island (EU), Bailleul (France) et le Musée d’art contemporain de Montréal (Québec). Malheureusement, pour des raisons financières, le projet n’a jamais vu le jour. Cependant, une maquette aux dimensions réelles de l’œuvre a été présentée au Centre des arts contemporains du Québec à Montréal en 1987.
Plus tard, dans le cadre d’un colloque sur l’œuvre de Marguerite Yourcenar, à l’Université de Montréal, l’équipe est invitée à présenter le projet L’inconfortable utopie. André Fournelle ira également présenter le projet à l’université de Tours, en France, où est situé le Centre d’études sur Yourcenar.
En 1988, il fait une rencontre marquante avec l’historien d’art Pierre Restany avec lequel il va créer des liens professionnels et d’amitiés qui le conduiront à diverses collaborations d’écriture.
En 1989, il participe à l’exposition Québec/Californie avec deux autres artistes/sculpteurs de Montréal, à Santa Monica, Californie.
En 1991, il effectue un séjour de six mois à New York au studio du Québec. Il en profite pour poursuivre ses recherches sur le laser et à cet effet, il fréquente le laboratoire de l’ingénieur Peter Nicholson et participe à ses travaux.
Au cours de ses promenades dans les parcs de la ville, son intérêt pour les clôtures accidentées refait surface et il consacre beaucoup de son temps à réfléchir et à écrire autour de ces ’réalités’ de la vie.
De 1991 à 1993, il effectue quelques séjours aux États-Unis pour travailler sur le verre au Experimental Glass Studio à Brooklyn, New York et à l’Atelier Jonhson à Princeton, New Jersey.
Une exposition de groupe l’avait emmené quelques années auparavant à une exposition internationale, à la Heller Gallery de New York.
En 1994, il représente le Québec au Jeux de la Francophonie à Paris. À ce titre, il participe à une exposition de groupe, à l’Hôtel de la Monnaie, et y présente une œuvre majeure Resecare. Le président du jury, cette année-là, est le sculpteur, César.
Les années 1990 marquent la création d’œuvres imposantes telles que Resecare, La dimension de l’absence, L’interdit damoclèse, L’ombre rouge, qui seront exposées dans différents lieux du Québec. Ces grandes réalisations feront l’objet d’une rétrospective à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, à Paris et aux Brigittines, à Bruxelles.
Des performances, du land art, des symposiums l’amènent dans différents coins de pays. Mentionnons entre autres, Spirale à Death Valley, Californie, Saisie substance au Centre des arts technologiques à Montréal, au Centre passage à Troye, en France, et à la Maison de la culture François Mitterand, à Beauvais en France.
À Trois-Rivières, L’âme des draveurs (1998) constitue un événement pyrotechnique marquant, sur la rivière Saint-Maurice.
En 1999, il fait un séjour de six mois au studio du Québec à Paris. Un projet de grande envergure va l’occuper durant toute cette période, à savoir, l’événement Lumière et Silence. Il s’agit de créer une ligne de feu sur la Seine longeant la passerelle des Arts. Cet événement clôturera le Printemps du Québec en France. Le critique et historien d’art, Pierre Restany procédera à la mise à feu.
LES ANNÉES 2000 À 2021
Ce sont des années de grandes productions où les expositions individuelles présentent des œuvres de synthèse, d’une importance capitale.
C’est également au cours de ces années qu’il est sollicité pour donner des conférences à l’étranger.
À l’occasion de la Biennale, Sculptures Sous le soleil d’Antibes, édition 2000, ville d’Antibes, Juan-les-Pins, France, Fournelle présente une pièce monumentale, L’ombre rouge installée pour l’occasion, sur une jetée, devant la mer ce qui confère à l’œuvre une nouvelle dimension.
Toujours au cours de l’année 2000, avec d’autres artistes canadiens, il est invité à Taïwan, par le Centre culturel Canadien, où il réalise une œuvre de land art appelée Un monument vivant. Le projet présenté s’inscrit dans l’esprit humaniste de Joseph Beuys, à savoir jumeler une pierre à un arbre pour en faire un Monument Vivant.
Dans la continuité de cette pensée, il réactualise l’œuvre Monument Vivant lors d’un symposium d’art in situ, Fluides, parcours d’art actuel, à Thuin, Belgique, en 2008.
En 2001, il est invité, entre autres, par le Service culturel du Louvre, pour présenter un film L’œuvre au rouge que Éric Daviron, Français, vient de réaliser sur son travail. Il profite de cette tribune pour traiter d’un propos qui le stimule et occupe son esprit du moment, soit le thème de la Colonne à travers l’histoire. Le film, L’œuvre au rouge, sera également présenté au FIFA de Montréal, en 2004.
Au cours de la même année, il donne des ateliers de sculpture à L’école normale supérieure de Lyon, France.
L’esprit des lieux (2001) une réflexion sur la paix et la guerre, est une œuvre d’une grande beauté et revêt un caractère bien particulier puisqu’elle y est installée dans des poudrières d’anciennes forteresses à Vézelois, Belfort, France. Elle prend ici, toute la dimension souhaitée.
Pour l’événement, Présent, 4e Biennale d’art sacré actuel, en 2003, à Espace sculpture Confluences, Lyon, France, Fournelle expose son œuvre Requiem pour un fluide noir, une œuvre constituée de 6 lithographies et de textes de Françoise Legris, historienne de l’art. L’ensemble de cette exposition est ensuite consigné et présenté dans un coffret.
La même année, avec le groupe Figura, atelier de création littéraire de l’UQAM, Fournelle devient membre fondateur de la cellule québécoise de Géopoétique, chapitre de l’Institut international de Géopoétique créé par Kenneth White.
«La géopoétique est une théorie-pratique transdisciplinaire applicable à tous les domaines de la vie et de la recherche, qui a pour but de rétablir et d’enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu, avec les conséquences que l’on sait sur les plans écologique, psychologique et intellectuel, développant ainsi de nouvelles perspectives existentielles dans un monde refondé.»
Une autre œuvre, à caractère social, Les incendiaires (2005) marque les esprits. Les Incendiaires se veut une sensibilisation au sort des sans-abris (l’itinérance) au Québec et en France. L’installation est créée à Montréal, à la Place des Fêtes et en même temps à Paris, sur le parvis du Centre Pompidou.
Sur la scène internationale, André Fournelle poursuit sa lancée avec des réalisations monumentales telles que l’Arche de feu (2008) à Douai, France, une œuvre d’art publique devant la gare, qui utilise des éléments inusités tels que le feu, la brumisation et des effets lumineux.
En 2009, dans le cadre d’un symposium d’une semaine intitulé Électrobolochoc, qui se déroule en France, au Château Paray-le-Frésil et qui propose une réflexion sur le thème de la sépulture, il crée deux performances. La première intitulée, Matière première d’un bleu très noir a lieu à l’extérieur, dans la cour du Château et demeure ’vivante’ pendant toute la durée du Symposium, et l’autre, Je vis ici, si près de l’invisible a lieu dans la chapelle du domaine.
Dans Esprit Mine, en 2011, exposition magistrale, au Centre minier de Lewarde, en France, il propose une série de créations dont la matière est le charbon et où l’on peut admirer l’imposante Porte d’or.
À la suite de cette exposition et plus tard au cours de la même année, il est de nouveau invité à Lewarde pour participer à un colloque dont le thème est le suivant: Territoires, Frontières, Matières. Dans son exposé, il aborde le concept de territoire, comme lieu géographique, étroitement lié à celui d’appartenance et d’identité. Également, il examine la notion de territoire comme lieu géologique ce qui le conduit à traiter du sous-sol et de la matière, en lien direct avec sa pratique artistique.
Toujours la même année, à l’Université populaire de Caen, dirigée par Michel Onfray, il est invité à présenter l’ensemble de son travail qui s’échelonne sur une période de 50 ans. Une rencontre, à la suite de sa présentation, s’avère fort intéressante.
Retour sur certaines grandes réalisations de l’époque. Mentionnons entre autres:
Sous les pavés (2001) au Centre des arts contemporains du Québec à Montréal, une installation où tous les mercredi soirs, pendant six semaines, des poètes, philosophes, penseurs, sculpteurs sont invités à prendre la parole sur le thème de la réflexion.
Voix d’eau et de feu (2010) avec Gille Bissonnette et le compositeur de musique actuelle, André Pappathomas, au Bassin Bonsecours dans le Vieux-Port de Montréal.
Le feu sacré (2014) à Val David.
People Together/Worlds Apart (2015) à la Canadian Clay and Glass Gallery de Waterloo, Ontario.
Violence/Fragilité (2016) au Centre culturel de l’université de Sherbrooke.
L’âme en exil (2017) à la Galerie d’art d’Outremont où les références aux migrants sont nombreuses et bouleversantes.
Les choses sont et nous, il faut que l’on revienne (2018) à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal.
Invité à la neuvième Biennale nationale de sculpture contemporaine de Trois-Rivières, en 2020, il crée une installation audacieuse avec vidéo, à la galerie Jacques et Michel Auger, dans le Centre d’art Le Carré 150, à Victoriaville.
En collaboration avec André Pappathomas, musicien, il participe à la création d’un lieu situé dans l’église Sacré-Cœur-de-Jésus à Montréal, qui deviendra un Centre de recherche en musique contemporaine, en 2021.
À 81 ans, André Fournelle reste encore très actif sur la scène artistique nationale et internationale. La pertinence de son travail témoigne inlassablement de son engagement politique et social.