Avec sa pratique transdisciplinaire échelonnée sur quatre décennies — peinture gestuelle, dessin, mandala, image numérique, film expérimental, vidéo, poésie, nouvelle, conte interactif, essai, récit, textimage — Louise Boisclair développe un langage pictural et scriptural, entretissé et libérateur.
Au cours de la présente décennie 2020 sa pratique artistique transforme diverses techniques utilisées auparavant, du mandala au tondo, de la peinture gestuelle à l’expression énergétique. La géométrie du sensible entoure la géographie des sens. Dans les séries exploratoires Constellations, le cercle et le triangle participent à l’écriture des sphères et à la construction des relations; Formes émergentes, les lignes et les figures reconfigurent l’espace pictural; Cartes climatiques, les couleurs habitent des continents de circulation. En cette précarité, la recherche d’équilibre subsume le dépassement de l’obstacle.
Au dernier quadrimestre 2023, l’artiste élabore une nouvelle technè constituée d’étapes modulables. Expression et construction se chevauchent. Après avoir éveillé le chi par quelques mouvements corporels, telle une signature, la main réserve deux ou trois rectangles vides sur la surface. Tableaux dans le tableau. Le reste de l’espace se transforme en une arène de création. À partir d’une couleur monochrome apposée à la spatule s’enclenche une suite de coulées complémentaires, qui donne lieu à un premier jeu d’impressions entre les surfaces principale et secondaires du polyptyque. Immergée dans la toile, la chair de couleur, contrastée d’opacité et de transparence, s’offre au creusage, tatouage, grattage de réseaux dynamiques. De nouvelles coulées contrastantes invitent un second jeu d’impressions. Recreusage de sillons, regravure de marques et accentuation du relief. Si nécessaire, de nouvelles coulées suivies d’impressions mutuelles. Dès que l’arrière-plan atteint l’équilibre chromatique, un temps de séchage favorise une distance. Comme la lave volcanique fertilisée après une éruption ou la nouvelle peau cicatrisée après le trauma, une dernière étape anime l’espace pictural par l’entourage de portions, la suture et la cautérisation d’autres, voire la superposition d’ilots de survie. Tant et aussi longtemps que la composition l’impose. Entre plasticité et iconicité tous les moyens sont bons. En résulte une nouvelle collection qui tente d’expirer l’anthropocène et d’inspirer le symbiocène. Aux regardant.e.s d’expériencier, de cartographier et d’événementier l’aventure du sensible.
Auparavant, durant les décennies 1980 et 1990, ses créations à saveur thérapeutique s’appuient sur l’expression (peinture gestuelle), la centration (mandala) et la figuration du trauma (conte visuel). En 1983-1984, elle découvre son ‘trait’ à l’atelier du Frère Jérôme. En parallèle, elle pratique intensivement le mandala intuitif. Ces périodes prolifiques verront naître des réalisations transformatives. Variations sur Menamor et Coma, peintures 1987, alimenteront un scénarimage interactif en 2005, puis un remix de 10 tableaux en 2023. Variations sur le hook up, un film d’art expérimental, 1990, recréera une séance de massage Trager en image et son. Variations sur le dépassement, nouvelles et essai, 1998, incarneront une recherche et création littéraire autoéditée en textimages vingt ans plus tard. Émergeront bon nombre de ses séries peintes et dessinées, dont six peaux à la Rorschach (gouaches sur papier journal 1984, marouflées en 2023), et de ses mandalas intuitifs (les personnages utérins etc.). Expression et narration s’entrecroisent. Avec ses Vingt squiggles climatériques créés pendant le tsunami de décembre 2004 dont huit survivront, la décennie 2000 voit le trauma infiltrer le corps planétaire. À la suite d’un atelier intensif en 2002, le mandala géométrique (les interfaces, etc.) prend son envol. Expression et construction se donnent la main. La décennie 2010, où elle participe à une résidence de recherche-création collective au SenseLab avec un événement public à la SAT (2012), se démarque par la théorisation de l’expérientiel en art immersif, interactif, traumatique et écosphérique. Entre 2015 et 2021, quatre essais spécialisés d’une part et cinq cahiers de textimages autoédités de l’autre voient le jour. À venir un recueil de poésie et un essai hybride sur l’expérience sonore. Recherche et critique d’art, écriture et création se côtoient.
Une nouvelle émergence picturale signée LouB.