Le secteur des arts est l’une des industries canadiennes les plus durement touchées par la pandémie de COVID-19, tout comme les secteurs de l’hébergement, de la restauration et du voyage. Cette réalité est d’autant plus préoccupante étant donné que ce secteur était déjà marqué par une grande précarité. La santé et le bien-être des artistes, tant financier, physique que mental, et la viabilité de nombreux organismes artistiques sont en péril.

Cette situation difficile devrait attirer l’attention de tous et non seulement des personnes qui contribuent directement à ce secteur. En effet, les arts procurent du plaisir, un sentiment d’appartenance et un bien-être, mais ils sont aussi porteurs de sens et favorisent une compréhension des diverses formes d’existence. En matière de bien-être, par exemple, la musique peut être perçue comme une forme de médecine, selon plusieurs points de vue. Les arts contribuent également de façon importante à l’économie.

Il est difficile de mesurer avec précision les niveaux de précarité, puisque les récentes données économiques ne sont habituellement pas suffisamment détaillées pour effectuer une analyse approfondie du secteur des arts. D’ailleurs, les systèmes de mesure existants réunissent les arts et le patrimoine avec le divertissement et les sports, tout comme ils réunissent les industries culturelles avec les télécommunications et le traitement des données. En revanche, les industries du voyage sont généralement regroupées avec le transport des biens (par camion et pipelines, par exemple) ainsi que les services de livraison et d’entreposage.

Cela dit, il existe certaines données assez détaillées qui soutiennent la théorie que j’ai énoncée précédemment : le secteur des arts a souffert davantage que la plupart des autres industries durant la pandémie.

La précarité des artistes et des autres personnes qui travaillent dans le secteur est démontrée à la fois par la baisse des niveaux d’emploi et la hausse du stress ressenti. Comme le mentionnait une analyse menée par la CAPACOA : « un travailleur sur quatre du secteur des arts, du spectacle et des loisirs a perdu son emploi en 2020, par rapport à 2019. Cela représente 114 400 artistes, techniciens, personnel de marketing, administrateurs des arts et autres travailleurs culturels qui ne peuvent plus vivre de leur profession. » La baisse de 25 % des niveaux d’emploi (y compris chez les pigistes) en 2020 était plus élevée que dans toute autre industrie. En comparaison, les pertes d’emploi dans les services d’hébergement et de restauration s’élevaient à 23 %.

Aux fins de l’Enquête nationale sur les répercussions dans le secteur culturel menée en novembre 2020, 1 273 artistes et autres personnes travaillant dans le secteur des arts ont été interrogés sur de nombreux sujets, dont leur perception des récents épisodes de stress et d’épuisement professionnel.  La plupart des personnes interrogées (62 %) ont indiqué avoir souffert de stress ou d’épuisement professionnel au cours des trois mois précédents. Le nombre de cas est même plus élevé parmiles artistes et les autres personnes travaillant dans le secteur des arts qui sont des personnes malentendantes, S/sourdes ou avec un handicap (65 %); autochtones, noires ou de couleur (68 %); fournisseuses de soins principales d’un enfant, d’une personne âgée ou d’une personne à risque élevé de maladie grave due à la COVID-19 (69 %); ou encore membre de la communauté LGBTQ+ (78 %). Puisque toutes les parties prenantes étaient invitées à participer au sondage, aucune marge d’erreur ne peut être calculée. Les ventilations ci-dessus sont fondées sur ma réanalyse des données détaillées de l’enquête. Je remercie Orchestres Canada et les autres organismes de service aux arts, qui ont commandé cette enquête, d’avoir partagé leurs données avec moi.

Le travail artistique, même s’il est de nature professionnelle, reçoit souvent une maigre rémunération. Notre propre recherche prépandémique a révélé que le revenu médian des artistes était 44 % plus faible que celui du reste de la population active canadienne en 2016. Les revenus médians des personnes travaillant dans le secteur culturel avoisinent davantage la norme canadienne (6 % moins élevés que pour l’ensemble de la population active). Durant la pandémie, les artistes et les autres personnes travaillant dans le secteur des arts ont perdu de nombreux engagements professionnels, soit 36 en moyenne par personne interrogée, ce qui représente environ 25 000 $, selon une enquête menée auprès d’environ 1 000 personnes travaillant dans le secteur des arts par l’organisme J’ai perdu mon contrat (Canada).

Durant la pandémie, bon nombre des personnes travaillant dans les arts et la culture ont dû compter sur la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Une analyse réalisée par Statistique Canada estime que 63 % des personnes admissibles dans le secteur des arts, du divertissement et des loisirs ont reçu au moins un paiement de PCU en 2020. Cette catégorie n’a été surpassée que par le secteur de l’hébergement et de la restauration, dans lequel 67 % des personnes ont reçu un paiement de PCU. Dans les deux secteurs, ces pourcentages sont presque deux fois plus élevés que pour l’ensemble de la population active canadienne (35 %). Il est important de noter que ces statistiques tiennent compte seulement des personnes ayant gagné plus de 5 000 $ en 2019, critère essentiel à l’admissibilité à la PCU.

De nombreux organismes artistiques souffrent également de précarité en raison de la pandémie, spécialement ceux dont les activités reposent sur les rassemblements. Une analyse des données de Statistique Canada par la CAPACOA révèle que, en date de mars 2021, l’activité économique du domaine du spectacle sur scène avait connu une baisse de 63 % par rapport aux niveaux observés avant la pandémie.

De façon plus générale, mon analyse des Estimations expérimentales pour les entreprises nouvellement ouvertes et fermées de Statistique Canada démontre la gravité de la situation des organismes. Dans le secteur des arts, du divertissement et des loisirs, le nombre d’organismes et d’entreprises qui comptent au moins une personne à leur emploi a baissé de 8 % entre janvier 2020 et mai 2021, soit la même baisse enregistrée dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, mais une baisse bien plus importante que la moyenne dans l’ensemble de l’économie (-1 %). Il est également intéressant de mentionner l’analyse fournie par Statistique Canada au sujet de certaines répercussions financières de la pandémie sur les industries de la culture, des arts, des spectacles et des loisirs.

 

SOURCE : Kelly Hill, Présidente de Hill Strategies

 

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