Le 8 octobre 2021, CARFAC a soumis la proposition suivante au processus de consultation d’Emploi et Développement social Canada, Réforme du régime d’assurance-emploi du Canada. Le RAAV appuie cette proposition.

 

Une réforme de l’assurance-emploi est nécessaire pour la durabilité de l’économie canadienne

Le filet social canadien a toujours eu des lacunes importantes, mais la pandémie de la COVID-19 n’a fait que les ressortir. Cependant, ce que les deux dernières années ont démontré est que les régimes traditionnels d’assurance-emploi pourraient mieux répondre aux besoins des travailleuses et travailleurs autonomes et ceux de la gig economy, ou que de nouveaux programmes peuvent être créés afin de mieux répondre aux difficultés qu’ont beaucoup de Canadiennes et Canadiens à accéder aux prestations d’assurance-emploi lorsqu’ils en ont le plus besoin.

 

Notre régime d’assurance-emploi actuel semble avoir été créé selon l’idée que nous avons tous une seule source de revenu, tu l’as ou tu ne l’as pas. Cependant, la plupart des artistes autonomes et des travailleuses et travailleurs culturels ont plusieurs sources de revenus, bien souvent imprévisibles, certaines pouvant disparaître sans avertissement du jour au lendemain. Les artistes qui ont reçu la PCU ou la PCRE ont indiqué que ce revenu leur fournissait de la stabilité financière indispensable, sans laquelle leur survie aurait été très difficile. Nous sommes persuadés que des artistes financièrement stables sont mieux placés pour contribuer à l’économie nationale et aider à rendre le Canada plus compétitif grâce à nos contributions mondiales et nos exportations culturelles.

 

Un régime permanent de revenu garanti de base pour tous les citoyennes et citoyens améliorerait les conditions économiques pour les Canadiennes et Canadiens les plus vulnérables et stimulerait la croissance en veillant à ce que les Canadiennes et Canadiens participent considérablement dans l’économie en profitant de leurs compétences et capacités. Un tel programme améliorerait nettement la situation des artistes canadiens étant donné qu’ils sont souvent parmi les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables au pays, et beaucoup d’entre eux sont tombés entre les mailles du filet bien avant la pandémie. Cela contribuerait grandement à déstigmatiser l’aide gouvernementale et les encouragerait davantage à travailler si les prestataires ne risquent pas de voir le robinet se fermer automatiquement chaque fois qu’ils gagnent une petite somme d’argent. Cela dit, nous appuyons pleinement les propositions pour la mise en œuvre d’un régime permanent de revenu garanti de base pour tous les citoyennes et citoyens canadiens, les résidentes et résidents permanents et les réfugiés.

 

En même temps, nous croyons que la PCU et la PCRE ont créé un précédent utile pour une réforme de l’assurance-emploi qui pourrait bénéficier à long terme les travailleuses et travailleurs autonomes et ceux de la gig economy, y compris les artistes. Ce que nous recommandons ne devrait pas se limiter au secteur artistique, mais nous ne pouvons donner des conseils que sur notre propre industrie puisque les représentants des autres industries sont mieux placés pour fournir des détails sur ce qui fonctionnerait pour eux et pour confirmer si cela s’appliquerait même à eux.

 

Un aperçu des conditions de travail des artistes en arts visuels au Canada
Étant principalement des travailleuses et travailleurs autonomes, les artistes en arts visuels tirent leurs revenus de diverses sources. Il est extrêmement rare qu’une seule source de revenu leur fournisse assez d’argent pour survivre financièrement. Une pratique courante pour les artistes est de tenir plusieurs rôles, y compris, mais sans s’y limiter : la création artistique, la vente, l’enseignement, le mentorat, la consultation, les conférences, la conservation, l’écriture et le travail dans un établissement ou organisme artistique.

 

Cette situation donne lieu à un mélange de redevances et d’honoraires versés, de ventes et de salaires pour des emplois à temps partiel, comme l’enseignement à l’université ou le travail dans une galerie. Beaucoup d’artistes et de travailleuses et travailleurs culturels complètent leurs revenus provenant des arts avec du travail dans d’autres domaines, ce qui comprend souvent des petits boulots précaires ou faiblement rémunérés. Pour beaucoup d’artistes, les bonnes années vont les soutenir pendant les années où leur revenu est plus faible.

 

Selon les données du recensement de 2016, il y a 726 600 travailleuses et travailleurs culturels, ce qui représente 4 % de l’ensemble de la population active. Ceci comprend plus de 158 000 artistes demeurant et travaillant au Canada, ce qui représente plus de travailleurs que dans les domaines de la fabrication d’automobile et des services publics.

Le revenu médian des artistes canadiens en arts visuels est 20 000 $, ce qui est 54 % moins élevé que le revenu médian de tous les travailleuses et travailleurs. 66 % des artistes en arts visuels au Canada sont des travailleurs autonomes, comparé à seulement 12 % pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs au Canada.

Puisque la plupart des artistes sont des travailleuses et travailleurs autonomes, ils n’ont pas d’employeur qui cotise aux prestations sociales auxquelles les autres travailleuses et travailleurs canadiens bénéficient, y compris les congés de maladie payés, les vacances payées, ou les jours fériés payés; l’assurance médicale, l’assurance dentaire et l’assurance vie; ou les régimes de pension. Bien qu’ils puissent adhérer à des programmes d’avantages sociaux, la plupart n’ont pas les moyens financiers pour le faire.

Des 21 000 artistes en arts visuels au Canada, 16 % sont autochtones, noirs ou racialisés. Les artistes autochtones, noirs et racialisés sont sous-représentés dans les institutions culturelles canadiennes autant chez les artistes que dans les postes de direction générale et au sein de conseils d’administration.

Le recensement de 2016 a dévoilé que les artistes autochtones, noirs et racialisés gagnent un revenu considérablement inférieur à leurs homologues non autochtones/non racialisés. Les artistes autochtones, et les artistes noirs et racialisés gagnent respectivement un revenu médian de 68 cents et 72 cents pour chaque dollar gagné par les artistes non autochtones/non noirs/non racialisés.

 

Un filet social pour les artistes autonomes et les travailleuses et travailleurs de la gig economy
Un régime modernisé d’assurance-emploi qui prend en considération ces circonstances de travail uniques est crucial non seulement pour le bien-être des artistes canadiens, mais aussi pour la durabilité et la croissance du secteur dans son ensemble. Il faut comprendre que tous les artistes n’auront peut-être pas besoin de ce genre de soutien, et ce régime est conçu afin d’aider les gens lorsqu’ils en ont besoin ou s’ils en ont besoin. Pour certains, ce besoin peut être saisonnier ou peut être nécessaire lorsqu’ils ont une année où les ventes sont mauvaises, par exemple. Sans cela, nous risquons grandement de perdre des artistes à d’autres secteurs, et sans artistes nos institutions culturelles, festivals et organismes les plus réputés cesseront d’exister. Ainsi, un nouveau régime d’assurance-emploi devrait :

  • Assurer un revenu et non un emploi.
  • Être accessible aux travailleuses et travailleurs à la pige et de la gig economy, et ceux qui détiennent plusieurs emplois.
  • Être disponible pour ceux dont le revenu antérieur est modeste (c.-à-d., 5 000 $ au cours de l’année précédente) et être disponible sans devoir avoir déjà contribué individuellement au régime.
  • Agir comme un filet social efficace en fournissant aux travailleuses et travailleurs sans emploi, sous-employés et précaires un soutien du revenu de 2 000 $ par mois. Les paiements ne devraient ni augmenter ni diminuer selon le revenu antérieur du prestataire d’assurance-emploi; cette pratique perpétue diverses inégalités subies par les plus vulnérables.
  • Comprendre une déduction fiscale de 10 % à la source afin d’éviter de la confusion quant à savoir si cela serait un revenu imposable ou non, et étant entendu que les individus peuvent être tenus de payer plus (ou moins) selon leur situation personnelle.
  • Encourager les prestataires à développer et gagner un revenu d’un travail ou d’un travail autonome en permettant un salaire mensuel raisonnable (c.-à-d., 1 000 $) avant de réduire les paiements d’assurance-emploi.
  • Moderniser le régime d’assurance-emploi est une étape essentielle afin de reconnaître et d’aborder la précarité financière à laquelle les artistes et les travailleuses et travailleurs culturels sont disproportionnellement confrontés. La plupart des travailleuses et travailleurs autonomes et contractuels dans le secteur artistique ne peuvent pas se permettre de cotiser au modèle actuel d’assurance-emploi.

Tandis que les travailleuses et travailleurs dans d’autres secteurs retournent à leurs emplois, le revenu potentiel pour les artistes et les travailleuses et travailleurs de la gig economy demeure hautement instable, surtout parce que selon les prévisions, les secteurs artistique et touristique prendraient plus de temps à se remettre des impacts de la COVID-19. Selon les estimations, une reprise complète pourrait se produire qu’en 2028, voire jamais. Sans un programme de soutien modernisé qui reconnaît les réalités du travail dans le secteur artistique et culturel, beaucoup d’artistes et travailleuses et travailleurs autonomes seront poussés à utiliser l’aide sociale et sombreront davantage dans la pauvreté ce qui diminue leurs chances d’avoir des résultats économiques et sociaux positifs, et des résultats positifs en matière de santé ce qui est finalement plus coûteux à long terme (c.-à-d., une augmentation des coûts liés aux soins de santé publique associés à la pauvreté).

 

Un régime modernisé qui garantit un revenu et non un emploi abordera aussi les enjeux d’égalité, d’accès, de diversité et d’inclusion dans le secteur artistique, particulièrement pour les Canadiennes et Canadiens à faibles revenus et ceux qui sortent de la pauvreté intergénérationnelle.

 

CARFAC collabore pleinement aux efforts du gouvernement fédéral pour moderniser l’assurance-emploi de manière à rendre le régime pertinent aux réalités des artistes et au nombre croissant de travailleuses et travailleurs autonomes et de la gig economy.